26/06/19

Immobilier : une loi pour réconcilier locataires et propriétaires

En France, environ 58% des ménages sont propriétaires de leur logement, un taux faible comparé à celui des autres pays de l'Union Européenne où il avoisine les 70%. 42% des foyers sont donc locataires et pour certains d'entre eux, la relation avec leur bailleur est parfois tendue. Comment établir une confiance réciproque entre propriétaires et locataires dans un pays où la pénurie de logements est endémique ?

État du parc locatif privé

Le parc locatif privé français compte quelque 6,7 millions de logements avec un taux de rotation de 30% chaque année, soit trois fois plus que le logement social. Environ 1,7 millions de baux longs (trois ou six ans) sont signés chaque année, les autres ont des durées courtes (entre neuf et douze mois) et concernent les locations meublées. Le bilan 2018 du marché locatif privé de l'Observatoire Clameur est illustratif d'une situation qui requiert des mesures d'urgence :

  • 87% des bailleurs relouent leur bien en l'état lors du départ d'un locataire ;
  • le taux d'amélioration d'entretien s'est effondré de plus de 40% en 20 ans ;
  • l'investissement locatif devient de moins en moins rentable pour les propriétaires bailleurs ;
  • dans les grandes agglomérations, l'instabilité fiscale et réglementaire décourage les bailleurs (encadrement des loyers rétabli par la loi Elan) ;
  • le meublé touristique (via Airbnb par exemple) attire de plus en plus de bailleurs et soustrait au parc locatif classique un nombre croissant de logements ;
  • depuis 2013, les loyers ont baissé ou progressé sous l'inflation dans plus de trois quarts des communes situés hors agglomérations concernées par l'encadrement des loyers.


Louer en confiance !

Tel est le nom du rapport sur la location présenté mardi 18 juin par le jeune député macroniste Mickaël Nogal. Réalisé à la demande du gouvernement, le texte a pour ambition de rétablir la confiance entre propriétaires et locataires, s'appuyant sur toute une série de propositions censées rassurer en premier lieu les propriétaires. D'un côté, les locataires dont beaucoup peinent à trouver un logement et à qui l'on demande de plus en plus de garanties, de l'autre, les propriétaires, soucieux de rentabiliser leur investissement et inquiets que le bien soit dégradé. Le besoin réciproque des uns et des autres doit être alimenté par une confiance mutuelle, et un juste équilibre doit être instauré, entre les attentes légitimes des bailleurs de voir protéger leurs intérêts patrimoniaux et le besoin tout aussi légitime des locataires d'être sécurisés dans leur domicile. 

Dans un ensemble de 37 dispositions qui viendront sans doute abonder une prochaine proposition de loi, le député de la Haute-Garonne missionné en décembre dernier par le gouvernement souhaite "respecter et répondre aux craintes du bailleur comme du locataire". L'objectif est de "passer d’un système perdant-perdant basé sur la défiance à un système gagnant-gagnant au profit d’une confiance réciproque entre l’ensemble des parties, propriétaires, locataires et agences immobilières », indique le rapport. En voici les 2 mesures phares :

  1. le recours accru aux professionnels : l'élu souhaite donner une place plus importante aux agents immobiliers, administrateurs de biens et syndics de copropriété, ce qui permettrait de rassurer les propriétaires. Ces professionnels seraient responsables du paiement des loyers si le propriétaire leur confie le logement. L'agent se couvrirait contre le risque de loyers impayés en souscrivant une assurance spécifique obligatoire dont le coût serait assumé par le propriétaire (autour de 1,5% des loyers hors charges). Serait également créée une certification baptisée Immo+ portant sur la gestion et la maîtrise d'ouvrage pour les travaux. La location locative en directe ne serait bien entendu pas interdite.
  2. le dépôt de garantie centralisé : source de litige s'il en est, le dépôt de garantie versé par le locataire serait géré par un organisme tiers agréé qui conserverait en toute indépendance la somme pendant la location et se chargerait de sa restitution totale ou partielle en cas de travaux. 


Gagnant-gagnant ??

La centralisation des dépôts de garantie suscite une vive polémique, puisque la restitution ne pourrait être effectuée qu'en accord entre les deux parties, un système qui désavantage forcément les locataires. Selon le ministère de la Justice, 65% des actions engagées par les locataires portent sur la non-restitution du dépôt de garantie, soit entre 6 000 et 8 000 affaires par an. La gestion par un professionnel soulève par ailleurs la problématique du choix du locataire. Selon le rapport, "les contrats d’assurance laissent l’administrateur de biens apprécier sous sa responsabilité la solvabilité des locataires ; ces contrats ne peuvent donc comporter de clauses générales excluant certains locataires au regard du niveau ou de la nature de leurs revenus". Le professionnel serait donc libre de sélectionner les locataires selon ses propres critères, et être drastique pour se protéger puisqu'il serait responsable du paiement des loyers.

Autre point de discorde, la vétusté, à savoir l'usure normale du logement dont les dépenses qui lui sont relatives doivent être obligatoirement assumées par le bailleur. Aujourd'hui, les textes de loi définissant la vétusté sont plutôt flous, ce qui engendrent des conflits entre locataires et propriétaires. Le rapport prévoit la mise en place d'un outil précis et indiscutable qui mettrait fin à ces litiges. Au regard de la diversité technique du parc locatif privé, l'instauration de cette nouvelle grille de vétusté ne semble pas viable.


Hervé Labatut

Par , le mercredi 26 juin 2019


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